Tout projet de construction, dès lors qu’il revêt une certaine importance et n’entre pas dans un des cas de figure où seule une déclaration préalable de travaux est exigée, nécessite l’obtention d’un permis de construire. Celui-ci doit ensuite faire l’objet d’un affichage régulier, comme nous avons déjà pu l’évoquer. Il n’est cependant pas rare qu’entre l’obtention du permis et le début des travaux, de nouvelles idées émergent et amènent à revoir le projet. Comment déterminer, dans ce cas, si le nouveau projet relève d’un simple permis de construire modificatif ou si, au contraire, il est nécessaire de déposer une nouvelle demande de permis pour l’ensemble du projet ?
La question mérite d’être posée. En effet, les formalités nécessaires au dépôt d’un permis de construire modificatif sont moins importantes que celles requise pour l’obtention d’un nouveau permis. Au surplus, le permis de construire modificatif présente un avantage non négligeable : les recours dirigés contre le modificatif ne peuvent remettre en cause que les modifications qu’il autorise, et non l’intégralité du projet. L’intérêt à agir en justice contre un permis de construire modificatif s’apprécie ainsi au regard des seules modifications qu’il contient (en ce sens, pour illustration : CE, 17 mars 2017, n°396362)
Le permis de construire modificatif étant ignoré du code de l’urbanisme, il nous faudra nous tourner vers la jurisprudence afin de déterminer dans quels cas une telle demande peut être formulée.
Les critères jurisprudentiels du permis de construire modificatif
Les critères du permis de construire modificatif ont été déterminés par le Conseil d’État, qui a jugé, au sein d’un arrêt rendu le 1er octobre 2015, « qu’un (…) permis [modificatif] ne peut être délivré que si, d’une part, les travaux autorisés par le permis initial ne sont pas achevés (…) et si, d’autre part, les modifications apportées au projet initial (…) ne peuvent être regardées, par leur nature ou leur ampleur, comme remettant en cause sa conception générale » (CE, 1er octobre 2015, n°374338. Leb.). Deux critères permettant de considérer qu’un projet relève d’un permis de construire modificatif sont donc posés par le Conseil d’État.
En premier lieu, il est nécessaire que les travaux autorisés par le permis initial ne soient pas encore achevés. Cette première condition parait relever du bon sens. Si les travaux sont achevés, alors les modifications projetées relèvent nécessairement d’un nouveau projet. Il est donc logique qu’une nouvelle demande de permis soit nécessaire (en ce sens, pour illustration : CE, 23 septembre 1988, n°72387).
En second lieu, le Conseil d’État exige que les modifications portées par la demande de permis de construire modificatif ne soient pas d’une ampleur telle qu’elles puissent être regardées comme bouleversant totalement l’esprit et la consistance du projet initial. Là encore, ce critère parait tout à fait logique : si le projet est à ce point modifié qu’il apparait en tous points différents de celui initialement autorisé, il n’y a pas lieu de délivrer un permis modificatif. Il faut en effet, dans cette hypothèse, instruire à nouveau le projet dans sa globalité.
Si les deux critères posés par le Conseil d’État paraissent relever du bon sens, ils n’en demeurent pas moins complexes à apprécier concrètement. C’est la raison pour laquelle nous nous attarderons sur quelques exemples jurisprudentiels.
Des exemples concrets de modifications autorisées par un permis de construire modificatif
Des modifications mineures d’un projet peuvent parfaitement donner lieu à la délivrance d’un permis de construire modificatif. Ainsi, un « léger abaissement des faîtières » est tout à fait susceptible d’être autorisé par le biais d’un permis de construire modificatif (CE, 4 octobre 2013, n°358401). Il en va de même pour de « légères modifications portant sur une façade, la hauteur d’une partie du bâtiment et la surface hors-oeuvre totale ramenée de 121 à 118 m² » (CAA NANCY, 31 décembre 1997, n°94NC00875).
Des modifications de plus grande importance sont également susceptibles de relever d’un permis de construire modificatif dès lors que, prises dans la globalité du projet, elles ne sont pas de nature à remettre en cause sa conception générale. Ainsi, relèvent d’un permis modificatif « un réaménagement de la disposition intérieure des bâtiments par transformation d’appartements en studios et suppression de locaux techniques, (…) l’adjonction d’une place de stationnement et (…) l’installation de quelques ouvertures supplémentaires en façade », dès lors « que rapportées à l’importance globale du projet, ces modifications, qui se traduisent par une augmentation du nombre de logements de 101 à 128 et un accroissement de la surface hors œuvre nette de 8 597 m à 8 776 m , ne remettent en cause ni la conception générale du projet, ni l’implantation des bâtiments, ni leur hauteur » (en ce sens : CE, 28 juillet 1999, n°182167. Leb.).
Des exemples concrets de modifications ne relevant pas d’un permis de construire modificatif
Les modifications les plus importantes nécessitent l’obtention d’un nouveau permis de construire. Ainsi, un permis de construire pourtant sur « un groupe de 43 habitations individuelles sur un terrain d’une superficie d’environ 30 000 m² » ne peut par la suite faire l’objet de modificatifs successifs ramenant le projet à seulement 9 logements sur une superficie de 6300m² puis enfin 3 logements sur une superficie de 1863m² (en ce ses : CAA NANTES, 19 février 1997, n°94NT00891).
Il en va de même lorsque le projet initial porte sur l’extension de 30m² d’un bâtiment existant, alors que le modificatif vise à reconstruire, au surplus, l’intégralité du bâti existant : le projet modifié n’a alors plus rien à voir avec le projet initialement autorisé, de sorte qu’une nouvelle demande de permis de construire – et non un simple modificatif – est requis (en ce sens : CE, 10 mai 1995, n°130369).
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Avocat en droit public au Barreau de Lille, Docteur en droit public, Maître Gauthier JAMAIS forme, conseille et défend les administrations, les agents publics, les entrepreneurs et les particuliers. Il intervient dans toute la France métropolitaine, mais aussi dans les territoires et départements d’outre-mer.