Le décret n°2018-101 du 16 février 2018 a mis en place, à titre expérimental et pour certains actes et agents publics, une médiation préalable obligatoire à la saisine du Tribunal Administratif. Un tel dispositif soulève de nombreuses interrogations. Quels sont les agents et les actes concernés par cette nouvelle procédure ? Quelles sont les modalités pratiques d’une telle médiation ? Quelles en sont les conséquences procédurales ?
Fonction publique et médiation préalable obligatoire : champ d’application
Le champ d’application de cette nouvelle mesure de médiation préalable obligatoire mérite d’être étudié avec attention. En effet, en raison du caractère expérimental de la mesure, seuls quelques actes concernant la vie professionnelle de certains agents publics sont concernés par cette nouvelle contrainte procédurale.
Les actes concernés par l’expérimentation
L’article 1 I du décret n°2018-101 du 16 février 2018 liste les actes concernés par cette nouvelle médiation préalable obligatoire. Sept types d’actes sont ainsi recensés :
- Les décisions administratives individuelles défavorables relatives à l’un des éléments de rémunération mentionnés au premier alinéa de l’article 20 de la loi du 13 juillet 1983 ;
- Les refus de détachement, de placement en disponibilité ou de congés non rémunérés prévus pour les agents contractuels aux articles 20, 22, 23 et 33-2 du décret du 17 janvier 1986 et 15, 17, 18 et 35-2 du décret du 15 février 1988 ;
- Les décisions administratives individuelles défavorables relatives à la réintégration à l’issue d’un détachement, d’un placement en disponibilité ou d’un congé parental ou relatives au réemploi d’un agent contractuel à l’issue d’un congé mentionné au 2° du présent article ;
- Les décisions administratives individuelles défavorables relatives au classement de l’agent à l’issue d’un avancement de grade ou d’un changement de corps obtenu par promotion interne ;
- Les décisions administratives individuelles défavorables relatives à la formation professionnelle tout au long de la vie ;
- Les décisions administratives individuelles défavorables relatives aux mesures appropriées prises par les employeurs publics à l’égard des travailleurs handicapés en application de l’article 6 sexies de la loi du 13 juillet 1983 ;
- Les décisions administratives individuelles défavorables concernant l’aménagement des conditions de travail des fonctionnaires qui ne sont plus en mesure d’exercer leurs fonctions dans les conditions prévues par les articles 1er des décrets du 30 novembre 1984 et du 30 septembre 1985 susvisés.
Les agents concernés par l’expérimentation
L’article 1 II du décret n°2018-101 du 16 février 2018 liste les agents concernés par cette nouvelle mesure. On notera immédiatement qu’aucun agent de la fonction publique hospitalière n’est concerné.
Les agents de la fonction publique de l’État concernés par l’expérimentation
Sont en premier lieu concernés par cette expérimentation les agents affectés dans les services du ministère chargé des affaires étrangères. La médiation est alors assurée par le médiateur des affaires étrangères.
En second lieu, sont concernés par cette médiation préalable obligatoire les agents affectés dans les services académiques et départementaux, les écoles maternelles et élémentaires et les établissements publics locaux d’enseignement du ressort des académies dont la liste est fixée par arrêté du 1er mars 2018. Il s’agit des académies d’Aix-Marseille, de Clermont-Ferrand et de Montpellier. La médiation est alors assurée par le médiateur académique territorialement compétent.
Les agents de la fonction publique territoriale concernés par l’expérimentation
Les agents de la fonction publique territoriale concernés par l’expérimentation sont ceux employés dans les collectivités territoriales et les établissements publics locaux situés dans un nombre limité de circonscriptions départementales répondant à deux critères cumulatifs :
- En premier lieu, il est nécessaire que l’employeur territorial ait conclu avec le centre de gestion de la fonction publique territoriale dont il relève, avant le 1er septembre 2018, une convention lui confiant la mission de médiation préalable obligatoire en cas de litige avec ses agents ;
- En second lieu, il est nécessaire que la circonscription soit comprise dans la liste limitative fixée par l’arrêté du 2 mars 2018. Notons que le Nord et le Pas-de-Calais sont concernés.
Fonction publique et médiation préalable obligatoire : modalités d’organisation de la médiation
L’article 3 du décret n°2018-101 du 16 février 2018 précise que la médiation « s’exerce dans les conditions prévues à la section 1 du chapitre III du titre Ier du livre II du code de justice administrative, sous réserve des dispositions du présent décret ».
La médiation doit être « engagée dans le délai de recours contentieux ». L’obligation de saisir préalablement un médiateur doit être précisée dans l’acte, le décret prévoyant que « l’autorité administrative doit informer l’intéressé de cette obligation et lui indiquer les coordonnées du médiateur compétent. A défaut, le délai de recours contentieux ne court pas à l’encontre de la décision litigieuse ».
Les modalités de saisine du médiateur s’avèrent tout à fait classiques et ne soulèvent pas d’observation particulière. L’article 3 du décret n°2018-101 du 16 février 2018 précise en effet que « la saisine du médiateur comprend une lettre de saisine de l’intéressé et, lorsque la décision contestée est explicite, une copie de cette décision ou, lorsqu’elle est implicite, une copie de la demande ayant fait naître cette décision ».
Fonction publique et médiation préalable obligatoire : conséquences procédurales
L’expérimentation mise en œuvre par le décret n°2018-101 du 16 février 2018 engendre des conséquences procédurale non négligeables. D’une part, les délais de recours et les prescriptions sont affectés. D’autre part, le défaut de saisine préalable du médiateur n’est en réalité par rédhibitoire mais nécessitera que le juge administratif redirige le requérant vers le médiateur compétent.
Les conséquences de l’organisation d’une médiation sur les délais procéduraux
L’article 4 du décret n°2018-101 du 16 février 2018 précise les conséquences de la saisine du médiateur sur les délais de recours et prescriptions applicables. Ainsi, « la saisine du médiateur interrompt le délai de recours contentieux et suspend les délais de prescription, qui recommencent à courir à compter de la date à laquelle soit l’une des parties ou les deux, soit le médiateur déclarent, de façon non équivoque et par tout moyen permettant d’en attester la connaissance par l’ensemble des parties, que la médiation est terminée ».
Il convient par ailleurs de souligner que « conformément aux dispositions de l’article R. 213-4 du code de justice administrative, l’exercice d’un recours gracieux ou hiérarchique après l’organisation de la médiation n’interrompt pas de nouveau le délai de recours ».
Les conséquences de l’absence de médiation préalable à l’introduction d’une requête par-devant le Tribunal Administratif
Quelles sont les conséquences de l’absence de médiation préalable à l’introduction d’une requête par-devant le Tribunal Administratif ? L’article 6 du décret n°2018-101 règle cette question : « Lorsqu’un tribunal administratif est saisi dans le délai de recours contentieux d’une requête dirigée contre une décision entrant dans le champ des articles 1er et 2 et qui n’a pas été précédée d’un recours préalable à la médiation, son président ou le magistrat qu’il délègue rejette cette requête par ordonnance et transmet le dossier au médiateur compétent. La date à retenir pour apprécier si la médiation préalable obligatoire est engagée dans le délai de recours contentieux est celle de l’enregistrement de la requête présentée devant le tribunal administratif ».
Ainsi, le défaut de saisine préalable du médiateur n’est pas rédhibitoire, le pouvoir réglementaire ayant prévu une possible session de rattrapage pour le requérant ne maitrisant pas parfaitement toutes les subtilités d’une procédure administrative contentieuse davantage encore complexifiée par cette nouvelle expérimentation.
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Avocat en droit public au Barreau de Lille, Docteur en droit public, Maître Gauthier JAMAIS forme, conseille et défend les administrations, les agents publics, les entrepreneurs et les particuliers. Il intervient dans toute la France métropolitaine, mais aussi dans les territoires et départements d’outre-mer.