Le droit de l’urbanisme est source de nombreux conflits de voisinage. Pourtant, des concessions réciproques peuvent parfois permettre aux futurs voisins de trouver un terrain d’entente, de mettre un terme à un conflit né ou à naître. Afin de sécuriser cette opération, la rédaction d’un protocole d’accord – dont il sera parfois nécessaire de procéder à l’enregistrement auprès du service des impôts – est indispensable.
Si le code de l’urbanisme limite les cas dans lesquels un tel enregistrement est obligatoire, la jurisprudence en a exagérément élargi le champ d’application. Qu’importe : cette formalité est entièrement gratuite.
Un enregistrement obligatoire dans des cas restreints
L’obligation de procéder à l’enregistrement des protocoles d’accord, en droit de l’urbanisme, découle des dispositions de l’article L600-8 du code de l’urbanisme.
Tous les protocoles d’accord ne sont pas concernés par ces dispositions. En effet, l’alinéa 1er de ce texte précise son champ d’application, spécifiquement limité à « toute transaction par laquelle une personne ayant demandé au juge administratif l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager s’engage à se désister de ce recours en contrepartie du versement d’une somme d’argent ou de l’octroi d’un avantage en nature ». Ainsi, seuls sont concernés par ce texte les protocoles d’accord qui interviennent postérieurement à la saisine du juge administratif et qui impliquent, en contrepartie d’un désistement, le versement d’une somme d’argent ou le bénéfice d’un avantage en nature.
La sanction du défaut d’enregistrement du protocole d’accord est sévère. Le second alinéa de l’article L600-8 du code de l’urbanisme indique en effet que « la contrepartie prévue par une transaction non enregistrée est réputée sans cause et les sommes versées ou celles qui correspondent au coût des avantages consentis sont sujettes à répétition ». Cette action en répétition de l’indu, qui se prescrit par 5 ans à compter du dernier versement ou de l’obtention de l’avantage en nature, se transmet aux acquéreurs successifs du bien ayant fait l’objet de l’autorisation d’urbanisme support de la transaction.
Une extension jurisprudentielle critiquable du champ d’application de l’obligation d’enregistrement
Nous l’avons vu, l’article L600-8 du code de l’urbanisme limite notamment son champ d’application aux seuls protocoles d’accord conclus postérieurement à la saisine du juge administratif. Le code de l’urbanisme exclut donc les protocoles d’accord intervenus au stade du recours gracieux.
La Cour d’Appel de DOUAI a toutefois considéré qu’il fallait aller au-delà de la lettre du texte et retenir « l’esprit qui anime » l’article L600-8 du code de l’urbanisme. Ainsi, au sein d’une très surprenante décision rendue le 16 mars 2017, la Cour d’Appel de DOUAI a jugé qu’en « soumettant les transactions en cause à une obligation d’enregistrement auprès de l’administration fiscale, le législateur a voulu « à la fois, faire réfléchir les quelques requérants qui font profession des désistements contre rémunération et préserver, pour le reste, les espaces de négociation qui sont nécessaires dans des opérations complexes telles que les projets de construction » [En conséquence] il ne saurait donc être question d’en limiter l’application aux seuls cas de désistement d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire » (CA DOUAI, 16 mars 2017, n°16/00998). En d’autres termes, selon la Cour, l’enregistrement des protocoles d’accord intervenus au stade du recours gracieux est également obligatoire.
Par mesure de précaution, il y a donc aujourd’hui lieu de considérer que tous les protocoles d’accord transactionnel liés au droit de l’urbanisme – que le juge ait ou non été saisi d’un recours en excès de pouvoir – se doivent d’être enregistrés auprès de l’administration fiscale.
Un enregistrement exonéré de tout droit fiscal
L’enregistrement d’un acte sous seing privé auprès de l’administration fiscale nécessite par principe le paiement d’un droit fixe de 125€.
Toutefois, les protocoles d’accord conclus en matière d’urbanisme en sont exonérés. L’article 635 du code général des impôts précise notamment que « doivent être enregistrés dans le délai d’un mois à compter de leur date : (…) 9° La transaction prévoyant, en contrepartie du versement d’une somme d’argent ou de l’octroi d’un avantage en nature, le désistement du recours pour excès de pouvoir formé contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager ». L’article 680 alinéa 2 de ce même code ajoute que « les transactions mentionnées au 9° du 1 de l’article 635, qui ne sont tarifées par aucun autre article du présent code, sont exonérées de l’imposition fixe prévue au premier alinéa ».
Aucun droit d’enregistrement n’est donc dû concernant un protocole d’accord conclu en matière d’urbanisme.
Faut-il désormais enregistrer toutes les transactions en droit de l’urbanisme ?
L’enregistrement du protocole est censé n’être qu’exceptionnel, réservé aux cas où le juge est d’ores et déjà saisi d’une demande d’annulation de l’autorisation d’urbanisme. Le juge judiciaire a quant à lui pour l’heure une interprétation extensive des dispositions de l’article L600-8 du code de l’urbanisme.
L’enregistrement étant en la matière gratuit, procéder systématiquement à cette formalité ne fera qu’accroitre la sécurité des actes juridiques ainsi rédigés.
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Avocat en droit public au Barreau de Lille, Docteur en droit public, Maître Gauthier JAMAIS forme, conseille et défend les administrations, les agents publics, les entrepreneurs et les particuliers. Il intervient dans toute la France métropolitaine, mais aussi dans les territoires et départements d’outre-mer.